
Le cancer du côlon est aujourd’hui l’un des cancers les plus répandus dans le monde, touchant près de 1,9 million de personnes chaque année. Grâce aux progrès des traitements, de nombreux patients atteignent la rémission après une chimiothérapie adjuvante. Pourtant, le risque de rechute demeure élevé, ce qui pousse chercheurs et cliniciens à explorer de nouvelles pistes thérapeutiques. Parmi celles-ci, un programme structuré d’exercice physique post-chimiothérapie émerge comme une approche innovante, sûre et prometteuse.
Activité physique et cancer du colon: prévention des récidives
L’idée que l’exercice puisse influencer le cours du cancer n’est pas nouvelle, mais elle a récemment gagné en crédibilité scientifique. Des études observationnelles ont montré que les patients atteints de cancer colorectal qui maintiennent un mode de vie actif après leur traitement présentent un risque réduit de rechute et de mortalité.
Les mécanismes sous-jacents comprennent :
La régulation des hormones métaboliques, comme l’insuline et l’IGF-1, impliquées dans la croissance tumorale.
La diminution de l’inflammation chronique, terrain propice au développement tumoral.
La stimulation du système immunitaire, notamment via l’activation des cellules tueuses naturelles (NK).
Ces effets, désormais bien documentés, posaient néanmoins la question cruciale : une intervention d’exercice peut-elle réellement modifier la survie dans un cadre contrôlé ?
Étude CHALLENGE : fondements scientifiques et méthodologie
Lancé par le Groupe canadien d’essais sur le cancer (CCTG), l’essai CHALLENGE (Colon Health and Lifelong Exercise Change) est la première étude randomisée de phase 3 à examiner cet enjeu sur une large échelle.
Objectifs : déterminer si un programme structuré d’activité physique pouvait améliorer la survie des patients en rémission après un cancer du côlon de stade II ou III.
Méthodologie :
Suivi de 3 ans d’intervention et 7,9 ans de suivi médian.
Deux groupes : un avec programme encadré d’exercice, l’autre recevant des brochures d’information sur la santé.
Résultats clés de l’essai clinique CHALLENGE
Les résultats de l’étude ont été spectaculaires :
Indicateur | Groupe exercice | Groupe contrôle |
---|---|---|
Survie sans événement à 5 ans | 80,3 % | 73,9 % |
Survie globale à 8 ans | 90,3 % | 83,2 % |
Récidives hépatiques | 3,6 % | 6,5 % |
Seconds cancers | 5,2 % | 9,7 % |
Un effet protecteur dès la première année a également été observé, renforçant l’idée qu’il faut initier l’activité physique rapidement après la fin des traitements.
Description détaillée du programme d’exercice post-chimiothérapie
Le programme prescrit aux participants comprenait :
150 à 300 minutes par semaine d’activité aérobie modérée à vigoureuse (marche rapide, vélo, natation).
Exercices de renforcement musculaire deux fois par semaine.
Accompagnement individualisé avec un coach, en présentiel ou à distance.
Suivi pendant 3 ans, incluant évaluations régulières de la condition physique.
Effets physiologiques observés chez les participants
L’étude a également mesuré les effets intermédiaires, confirmant les bénéfices physiologiques :
Amélioration du VO₂ pic, indicateur de capacité cardiorespiratoire.
Hausse de l’activité physique mesurée en MET-h/semaine.
Amélioration du score de qualité de vie physique SF-36, confirmant un bien-être accru.
Sécurité, tolérance et adhésion au programme
Le programme a été bien toléré par la majorité des participants :
Une légère augmentation des douleurs articulaires et musculaires (18,5 % contre 11,5 % dans le groupe contrôle), mais sans impact sur l’adhésion.
Aucun effet indésirable grave cardiovasculaire n’a été observé.
Le taux d’abandon était identique dans les deux groupes (19 %), démontrant une bonne acceptabilité.
Comparaison avec les traitements pharmacologiques
Fait notable, les auteurs de l’étude ont souligné que le gain absolu de 6 points sur la survie à 5 ans est équivalent à celui de traitements adjuvants coûteux, utilisés en oncologie. L’exercice physique devient ainsi une option thérapeutique efficace, économique et accessible.
Vers une intégration dans les parcours de soins en oncologie
Face à ces données solides, il devient urgent de considérer l’activité physique comme un traitement à part entière. Cela suppose :
Un changement de paradigme dans les pratiques médicales.
L’intégration de programmes d’exercice dans les centres de soins.
L’implication de kinésithérapeutes et coachs formés à l’oncologie.
Défis logistiques et stratégiques à relever
L’implémentation à grande échelle requiert :
La formation de professionnels en activité physique adaptée (APA).
Des plateformes de suivi à distance personnalisées.
Une reconnaissance institutionnelle et un remboursement par les assurances santé.
Perspectives futures en recherche et innovation
Plusieurs pistes sont actuellement explorées :
Démarrage de l’exercice dès la phase néoadjuvante (avant la chirurgie).
Identification de biomarqueurs prédictifs de la réponse à l’exercice.
Étude des interactions avec le microbiote intestinal et la réponse immunitaire antitumorale.
Témoignages et retours d’expérience de patients
Les patients ayant participé au programme témoignent :
D’un regain d’énergie et de confiance.
D’un sentiment de contrôle sur leur santé.
D’un soutien psychologique majeur, grâce au suivi régulier.
Recommandations pratiques pour les patients en rémission
Pour ceux souhaitant intégrer l’activité physique dans leur parcours :
Commencer progressivement avec des activités simples (marche, vélo).
Fixer des objectifs hebdomadaires réalistes.
Chercher un accompagnement adapté via les réseaux de soins ou associations.
Questions fréquentes (FAQ)
1. Quand commencer un programme d’exercice après la chimiothérapie ?
Idéalement dans les 4 à 8 semaines suivant la fin du traitement, après validation médicale.
2. Quels types d’exercice sont les plus bénéfiques ?
Les activités aérobiques et le renforcement musculaire sont complémentaires et recommandés.
3. Est-ce que l’exercice remplace les traitements médicamenteux ?
Non. Il agit en complément thérapeutique, mais peut réduire les risques de rechute.
4. Existe-t-il des programmes encadrés en France ?
Oui, plusieurs structures hospitalières proposent des programmes d’activité physique adaptée (APA).
5. Faut-il une ordonnance pour pratiquer une activité physique adaptée ?
Souvent oui, surtout pour un remboursement partiel par l’Assurance maladie.
6. Quels sont les signes qu’un programme n’est pas adapté ?
Douleurs persistantes, fatigue excessive ou perte d’intérêt doivent alerter le patient et l’encadrant.
Conclusion : un changement de paradigme en oncologie moderne
L’étude CHALLENGE constitue une avancée majeure dans la prise en charge du cancer du côlon. Amélioration de la survie, prévention des récidives, amélioration de la qualité de vie : les bénéfices sont multiples, durables et scientifiquement prouvés.
L’avenir de l’oncologie intégrera, sans nul doute, des programmes d’exercice dans chaque parcours de soins.
Les résultats de l’étude CHALLENGE démontrent que l’exercice structuré n’est pas qu’un complément de traitement, mais un véritable levier thérapeutique pour les patients atteints de cancer du côlon.
En misant sur un mode de vie actif, les patients peuvent non seulement améliorer leur qualité de vie, mais aussi réduire le risque de rechute et vivre plus longtemps.
Sources
Courneya KS et al., New England Journal of Medicine, 2024 – DOI: 10.1056/NEJMoa2502760