Cancer du côlon : l’exercice physique pourrait sauver des vies
- La rédaction
- 2 juin 2025
Le cancer du côlon est l’un des cancers les plus fréquents dans le monde, avec près de 1,9 million de cas diagnostiqués chaque année. Malgré les progrès thérapeutiques, les risques de rechute après traitement demeurent élevés. Cependant, une nouvelle dimension thérapeutique semble émerger avec force :l’activité physique régulière. Longtemps considérée comme un simple soutien au bien-être général, elle pourrait désormais jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les récidives du cancer colorectal.
Exercice physique et cancer du côlon : que dit la science ?
Une étude révolutionnaire démontre les effets protecteurs d’un pogramme d’activité physique supervisée
Des recherches précliniques ont montré que l’exercice pourrait influencer la croissance tumorale. À cela s’ajoutent des études observationnelles robustes qui indiquent que les patients ayant un mode de vie actif après un cancer colorectal présentent un risque réduit de rechute et de mortalité.
Mais quels sont les mécanismes biologiques à l’œuvre ?
L’activité physique pourrait agir sur plusieurs fronts :
- Régulation des facteurs de croissance métabolique comme l’insuline ou l’IGF-1
- Diminution de l’inflammation systémique, qui favorise la progression tumorale
- Renforcement de la fonction immunitaire, notamment via les cellules NK (natural killers)
Cependant, jusqu’à récemment, aucune preuve directe n’avait été établie par des essais randomisés de haute qualité.
Étude CHALLENGE
Pour combler ce vide, le Groupe canadien d’essais sur le cancer (CCTG) a lancé CHALLENGE (Colon Health and Lifelong Exercise Change), un essai randomisé de phase 3 qui s’est étalé sur 15 ans.
Objectif de l’étude
Comparer les effets sur la survie d’un programme structuré d’exercice physique sur trois ans par rapport à un simple matériel d’éducation à la santé.
Population étudiée
Patients atteints d’un cancer du côlon de stade II ou III ayant terminé leur chimiothérapie adjuvante. Tous étaient en rémission, avec un bon état général.
Résultats après un suivi médian de 7,9 ans
- Survie sans événement à 5 ans :
- 80,3 % dans le groupe activité physique
- 73,9 % dans le groupe contrôle
- Hazard Ratio (HR) = 0,72 ; p = 0,02
- Survie globale à 8 ans :
- 90,3 % (groupe exercice)
- 83,2 % (groupe contrôle)
- HR = 0,63
- Réduction des récidives hépatiques :
- 3,6 % vs 6,5 %
- Diminution des seconds cancers :
- 5,2 % vs 9,7 %
Un effet dès la première année
Les bienfaits sont observés dès les 12 premiers mois, soulignant l’importance de débuter l’exercice rapidement après la fin des traitements.
Programme d’exercice : que comprenait-il exactement ?
Le groupe intervention suivait un protocole bien défini :
- 150 à 300 minutes/semaine d’activité aérobie modérée à vigoureuse
- Exercices de renforcement musculaire
- Accompagnement individualisé, en présentiel ou à distance
- Suivi pendant 3 ans avec évaluation régulière
Le groupe contrôle recevait uniquement des brochures d’information.
Indicateurs intermédiaires positifs
- Amélioration de la capacité aérobie (VO₂ pic)
- Hausse de l’activité physique mesurée en MET-h/semaine
- Amélioration du score physique SF-36 (qualité de vie)
Sécurité et tolérance : un équilibre maîtrisé
Événements musculo-squelettiques
- Augmentation légère des douleurs articulaires et blessures :
- 18,5 % dans le groupe exercice
- 11,5 % dans le groupe contrôle
Malgré cela, aucune différence sur l’adhésion au programme : 19 % de perdus de vue dans chaque groupe.
Pas d’effet négatif cardiovasculaire
Aucun signal inquiétant n’a été relevé en lien avec le cœur ou d’autres complications oncologiques.
Concernant cette étude:
Une méthodologie rigoureuse
- Étude randomisée, contrôlée, de phase 3
- Suivi long de près de 8 ans
- Évaluation de critères durs (survie, rechute)
Limites à prendre en compte
- Inclusion lente (15 ans), témoignant de la difficulté logistique
- Participants en bon état général, donc difficilement extrapolable à tous les patients
- Absence de groupe strictement sédentaire
Un effet comparable aux traitements pharmacologiques
Selon les auteurs, le bénéfice absolu de 6 points sur la survie à 5 ans est équivalent à celui des nouveaux traitements adjuvants coûteux. Cela renforce l’idée que l’exercice physique devrait être prescrit comme une thérapie à part entière.
Et demain ? Vers une intégration dans les parcours de soins
Quels défis pour généraliser cette approche ?
- Former des professionnels spécialisés en activité physique adaptée
- Mettre en place des plateformes de télésuivi personnalisées
- Obtenir le remboursement des programmes d’accompagnement
- Déterminer les meilleures modalités : intensité, durée, fréquence
Pistes de recherche futures
- Démarrer l’exercice dès la phase néoadjuvante (avant la chirurgie ou la chimiothérapie)
- Identifier des biomarqueurs prédictifs de la réponse à l’exercice
- Étudier les interactions avec la microbiote intestinale et l’immunité antitumorale
Conclusion : L’exercice physique, un élément à intégrer dans le traitement contre le cancer du côlon
Les résultats de l’essai CHALLENGE marquent un tournant majeur dans l’oncologie moderne. Loin d’être un simple adjuvant, l’exercice structuré post-chimiothérapie devient une stratégie thérapeutique à part entière. Réduction des récidives, allongement de la survie, amélioration de la qualité de vie : les bénéfices sont multiples et incontestables.