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Incontinence urinaire chez les sportives : solutions efficaces

Incontinence urinaire

L’incontinence urinaire: Une problématique sous-estimée

Longtemps perçue comme une pathologie liée à l’âge ou aux accouchements, l’incontinence urinaire d’effort (IUE) touche pourtant aussi les femmes sportives, y compris les plus jeunes et celles n’ayant jamais eu d’enfants. Avec l’augmentation de la pratique féminine dans le sport de haut niveau, ce phénomène devient une préoccupation majeure.

Mais quels sont les mécanismes en cause ? Quels sports sont les plus à risque ? Et surtout, comment prévenir et traiter cette condition encore trop taboue ? Cet article explore  la physiopathologie de l’IUE chez la sportive, sa prévalence selon les disciplines et les solutions envisageables pour mieux gérer cette pathologie.

 

1. L’incontinence urinaire : une définition et des formes variées

Selon l’International Continence Society, l’incontinence urinaire désigne toute perte involontaire d’urine. Il existe trois formes principales :

1.1. L’incontinence urinaire d’effort (IUE)

Elle survient lors d’activités générant une pression abdominale élevée, comme la course, le saut ou même la toux. C’est la forme la plus fréquente chez les sportives.

1.2. L’incontinence par urgenturie

Elle se manifeste par une envie pressante et incontrôlable d’uriner, déclenchée par le stress, le froid ou certains stimuli comme l’eau qui coule.

1.3. L’incontinence mixte

Elle associe les deux mécanismes précédents de façon variable selon les individus.

 

2. Le rôle clé du périnée dans la continence

Le périnée, aussi appelé plancher pelvien, est un ensemble de muscles et de tissus conjonctifs soutenant les organes du petit bassin. Il joue un rôle essentiel dans :

    • Le maintien des organes pelviens (vessie, utérus, rectum)

    • La continence urinaire et anale

    • La fonction sexuelle

Il se compose de trois couches musculaires :

    • Le plan superficiel, impliqué dans la continence anale et la sexualité

    • Le plan moyen, qui soutient les organes pelviens

    • Le plan profond, particulièrement sollicité dans la prévention et la rééducation

 

3. Pourquoi le sport peut favoriser l’incontinence urinaire ?

3.1. Une pression abdominale excessive

Lors de la pratique sportive, la pression exercée sur la cavité abdomino-pelvienne augmente considérablement. Contrairement à une idée reçue, l’activité physique ne renforce pas systématiquement le plancher pelvien.

Des études en électromyographie ont montré que chez les sportives souffrant d’IUE, les muscles du périnée s’activent de manière retardée, ce qui entraîne un défaut de soutien au moment de l’effort.

3.2. Un déséquilibre musculaire

L’IUE chez la sportive résulte d’un déséquilibre entre la pression intra-abdominale et la force du périnée. Certains sports, en raison de leur intensité et de leur impact, fragilisent davantage cette structure musculaire.

 

4. Quels sports sont les plus à risque ?

4.1. Une prévalence élevée chez les sportives de haut niveau

Les études montrent que la prévalence de l’IUE varie selon le type de sport pratiqué :

    • Trampoline : 80 %

    • CrossFit : 81,2 %

    • Athlétisme : 74 %
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    • Basketball : 68 %

    • Judo, escrime, aviron : 25 %

    • Natation : 20 %

Les sports impliquant des sauts, des réceptions brutales, des accélérations intenses ou des contractions isométriques abdominales sont les plus exposés.

4.2. L’impact des sports de loisir

Dans le sport amateur, la prévalence de l’IUE est plus faible (14,9 %), mais certains facteurs augmentent le risque, notamment :

    • Le surpoids et l’IMC élevé

    • Le nombre de grossesses

    • Une sollicitation excessive des abdominaux sans renforcement du périnée

Les sports à faible impact, comme la marche, semblent au contraire préserver la fonction périnéale et réduire le risque d’IUE.

 

5. Lien entre incontinence urinaire et maternité chez la sportive

Les études indiquent qu’une sportive ayant souffert d’IUE avant sa grossesse a plus de risques d’en souffrir après. Cependant, l’activité physique en elle-même n’augmente pas la probabilité d’IUE post-partum, sauf si celle-ci était déjà présente avant la grossesse.

 

6. Facteurs aggravants de l’incontinence urinaire et prédispositions

L’incontinence urinaire d’effort chez la sportive est favorisée par plusieurs éléments :

    • Fatigue musculaire en fin d’entraînement

    • Durée et intensité de la pratique

    • Troubles alimentaires (aménorrhée, insuffisance hormonale)

    • Facteurs anatomiques (hyperlordose, laxité ligamentaire)

    • Maladies du collagène (Marfan, hyperlaxité)

De plus, le tabagisme, l’âge, la ménopause et la constipation sont aussi des facteurs de risque bien identifiés.

 

7. L’incontinence urinaire: Une pathologie encore taboue dans le milieu sportif

7.1. Un manque de prise en charge

Dans une étude menée à l’INSEP, seulement 22,8 % des sportives reconnaissent souffrir d’IUE, alors que 49,2 % déclarent des symptômes liés. Le sujet reste encore trop souvent ignoré par les médecins et entraîneurs.

Pourquoi ce silence ?

    • Une perception erronée de l’IUE comme un phénomène normal lié à l’entraînement.

    • Une gêne sociale et un manque d’information sur les solutions existantes.

    • Un déficit de sensibilisation chez les entraîneurs et les professionnels de santé.

  •  

7.2. Des stratégies d’adaptation inadaptées

Pour gérer l’IUE, les sportives adoptent souvent des solutions inappropriées :

    • Utilisation de tampons intravaginaux

    • Réduction de l’hydratation

    • Multiplication des passages aux toilettes

    • Éviction de certains exercices
    • Certaines sportives modifient leurs habitudes (restriction hydrique, mictions excessives, utilisation de protections hygiéniques).
    • D’autres abandonnent leur discipline, avec un risque accru de sédentarité.

Ces stratégies ne traitent pas la cause et peuvent même aggraver la situation.

Solutions pour lever le tabou :

    • Intégrer des modules de prévention dans les formations des entraîneurs et préparateurs physiques.

    • Encourager les médecins du sport à aborder systématiquement la question lors des consultations.

    • Mener des campagnes de sensibilisation dans les clubs et fédérations sportives.
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8. Quelles solutions pour prévenir et traiter l’Incontinence urinaire d’effort ?

Recommandations pour prévenir l’IUE chez les sportives

1. Adapter son mode de vie: Certaines habitudes du quotidien peuvent aggraver l’incontinence urinaire d’effort (IUE) et doivent être évitées :

    • Limiter la consommation de caféine, qui peut irriter la vessie.

    • Éviter la constipation, en adoptant une alimentation riche en fibres et une bonne hydratation.

    • Ne pas restreindre son hydratation sous prétexte de limiter les fuites, car cela peut favoriser une instabilité vésicale.

    • Ne pas multiplier les passages aux toilettes par précaution, au risque de perturber le réflexe naturel de la miction.

2. Mieux comprendre son périnée:  La connaissance du fonctionnement du plancher pelvien est essentielle. Des schémas, vidéos pédagogiques et tests d’auto-évaluation sont disponibles sur le site de la Société Française d’Urologie pour aider les sportives à mieux appréhender leur anatomie et l’importance du renforcement périnéal.

 

Exercices et stratégies de prévention pour les sportives

1. Renforcement musculaire adapté: Un entraînement ciblé permet de limiter l’impact des efforts sur le périnée :

    • Les exercices de Kegel : ils consistent à contracter et relâcher volontairement les muscles du plancher pelvien afin d’améliorer leur tonicité et leur réactivité.

    • Le travail du muscle transverse de l’abdomen, qui agit comme un soutien naturel du périnée et doit être sollicité de manière synchronisée lors de l’effort.

    • Le gainage hypopressif, une méthode qui renforce les abdominaux sans augmenter la pression intra-abdominale, contrairement aux crunchs classiques.

    • L’amélioration de la posture, notamment en corrigeant une hyperlordose lombaire, qui accentue la pression sur le périnée.

2. Sensibilisation des entraîneurs et professionnels du sport: Les préparateurs physiques et entraîneurs doivent être formés aux bonnes pratiques pour préserver la santé périnéale des sportives. Une intégration systématique d’exercices spécifiques dans les programmes d’entraînement contribuerait à réduire les risques d’IUE.

3. Prévention spécifique chez la femme enceinte sportive: Pendant la grossesse, certaines adaptations sont nécessaires pour préserver la continence et limiter le risque d’IUE postnatale :

    • Privilégier les sports à faible impact (natation, vélo) à partir du 5ᵉ mois.

    • Éviter une prise de poids excessive, qui accentue la pression sur le périnée.

    • Suivre une rééducation périnéale dès la grossesse, car elle réduit de 50 % le risque d’IUE après l’accouchement.

    • Attendre au moins 6 semaines après l’accouchement avant de reprendre une activité sportive.

    • Reporter la course à pied au-delà de 3 mois post-partum, le temps que le plancher pelvien retrouve son élasticité.

    • Évaluer le périnée entre 6 et 8 semaines post-accouchement, pour adapter la rééducation.

De plus, une limitation des épisiotomies aux strictes indications obstétricales est recommandée, car elles peuvent affaiblir les muscles périnéaux.

Prise en charge de l’IUE chez la sportive

1. La rééducation périnéale : un traitement de première intention

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La kinésithérapie du périnée est la principale approche thérapeutique en cas d’IUE avérée. Elle repose sur plusieurs techniques :

    • Rééducation manuelle dynamique, permettant de mieux ressentir et contracter efficacement son périnée.

    • Biofeedback, qui utilise des capteurs pour visualiser l’intensité et la qualité des contractions périnéales.

    • Correction de la posture, notamment en réduisant une cambrure excessive du bas du dos.

    • Auto-rééducation à domicile, à l’aide de sondes vaginales ou de cônes vaginaux (peu utilisés en France mais efficaces pour renforcer le tonus périnéal).

2. Adaptation de la pratique sportive

Si les symptômes persistent, une adaptation temporaire ou définitive de l’activité physique peut être envisagée :

    • Remplacer les sports à fort impact (course, trampoline) par des disciplines à faible contrainte périnéale (marche, natation, yoga).

    • Éviter le port de charges lourdes, qui amplifie la pression abdominale.

    • Corriger les autres facteurs de risque comme le tabagisme ou la constipation.

3. Traitement chirurgical en dernier recours

Lorsque la rééducation ne suffit pas, une intervention chirurgicale peut être envisagée. La pose de bandelettes sous-urétrales est une solution efficace mais réservée aux cas d’incontinence persistante, ayant un impact social et psychologique important.

 

 

Conclusion : Vers une meilleure prise en charge de l’IUE chez la sportive

L’incontinence urinaire d’effort chez les femmes sportives est une réalité fréquente mais encore trop méconnue. Grâce à une meilleure information et à des stratégies de prévention adaptées, il est possible de limiter son impact et d’éviter qu’elle ne devienne un frein à la pratique sportive.

Points-clés à retenir :
✅ L’IUE touche jusqu’à 80 % des sportives de haut niveau et 15 % des pratiquantes de loisir.
✅ Certains sports (trampoline, athlétisme, CrossFit) sont plus à risque que d’autres.
✅ Une bonne prévention passe par le renforcement du périnée, un gainage adapté et une correction de la posture.
✅ La rééducation périnéale est le traitement de référence, avec un recours à la chirurgie en dernier recours.
✅ Parler de l’IUE, c’est permettre aux sportives de mieux la comprendre et de la gérer efficacement.

La levée du tabou autour de cette problématique est une nécessité pour améliorer la performance et la qualité de vie des sportives. Il est temps d’intégrer la santé périnéale comme un élément à part entière de l’entraînement et du suivi médical des athlètes.

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Pour plus d’informations et d’outils d’auto-évaluation, les sportives peuvent également consulter les ressources de la Société Française d’Urologie (www.urofrance.org).